Nobuo Naito, libraire dans la vieille ville de Morges

Nobuo Naito
(1954 Wakayama)

Ma première expérience de lecture : couché sur un tatami et tenant un livre à bout de bras, je cherche à reconnaître les caractères de l’alphabet syllabique japonais. J’épèle les syllabes – et tout à coup, par miracle, elles se rejoignent et deviennent un mot ! Je n’avais pas encore cinq ans et ne savais pas à quel point l’apprentissage de la lecture est laborieux dans ma langue maternelle. Mais le plaisir de déchiffrer les quelques deux mille signes l’a emporté, les livres sont vite devenus mes compagnons familiers. Et depuis toujours me semble-t-il, les auteurs peu connus, oubliés ou publiés par des éditeurs obscurs m’ont fasciné.

Plus tard, lire en anglais puis en français a posé de nouveaux défis : idées et images s’enchaînent si différemment, il fallait lire lentement, relire, dépasser le stade de la traduction balbutiée et plonger directement dans le courant pour se laisser emporter. Depuis plusieurs  années déjà, je fais en quelque sorte le chemin inverse, je me suis mis à la traduction. Traduire un texte équivaut à un long dialogue avec l’auteur, une connaissance intime des ressorts de sa langue en est la récompense.

Et la librairie ? Eh bien, contrairement à toute attente, ce qui me comble n’est pas le fait d’être entouré de livres mais la satisfaction de trouver exactement LE livre qui convient à un lecteur ou une lectrice – ou encore à un collectionneur. Non seulement le contenu mais la taille, la couverture, peut-être une préface nouvelle, le prix bien sûr – tant d’éléments à prendre en compte ! Si la librairie est un lieu d’échange d’idées et de partage d’images elle est aussi un lieu où le livre en tant qu’objet concret, fait de papier, de carton etc. s’expose et se propose.